Monsieur Paul
Aïe, au train où ça va, ce blog va tourner à la rubrique nécrologique. Maintenant, c'est notre Grand Léchant Mou national qui a cassé sa pipe... Je crois que je ne pourrai plus jamais boire d'Oasis sans penser à lui. D'ailleurs, je vais aller m'en jeter un p'tit, à sa mémoire.
Pas facile, donc, dans ces conditions, de venir dire quelques mots d'un autre disparu. Surtout quand ladite disparition ne date pas d'hier, et encore moins d'aujourd'hui. Tant pis. Parce que zut à la fin, ce billet, ça fait longtemps que je le prépare. Très longtemps, même. Un an, environ, ou pas loin. Oui, j'ai la gestation éléphantesque.
L'homme dont je voulais vous entretenir ne portait pas de chemises bariolées et ne chantait pas "L'amour, ça rend bo lé lé." Mais il aurait pu, tant il paraissait pouvoir tout faire.
Il n'était pas seulement ce visage impassible (ou presque), cette stature d'ancien sociétaire de la Comédie Française, cette présence parfois désopilante, parfois terriblement inquiétante.
Il n'a pas non plus été que le compagnon d'Edith Piaf et l'ami de Pierre Dac.
Il ne sera pas dit qu'on ne retiendra de lui que ce monolithe hors norme, inclassable, au physique si particulier, qui s'est fait connaître en interprétant de façon lugubre dans chansons gaies.
Il était bien plus que cela.
Pas étonnant que le cinéma ait ouvert ses portes à cette "gueule" qui ne dénotait pas au milieu des Gabin, Ventura, Blier, Roquevert, Dalban et consorts. Par son talent, il transformait n'importe quelle pochade de série B en comédie drôlatique. Et il donnait à ses personnages plus dramatiques la profondeur des figures de théâtre.
Pour beaucoup, il restera le commandant Dromard, alias "Le Monocle".
Pour moi, impossible d'oublier son rôle de Luc Jardie, le chef de réseau de L'armée des ombres, le chef-d'oeuvre de Jean-Pierre Melville.
Il s'appelait Paul Meurisse.
Il est mort il y a pile 29 ans, le 19 janvier 1979, en sortant du théâtre où il jouait Mon père avait raison.
Des années avant l'excellentissime Jean Rochefort, il était l'image du gentleman imperturbable et pince-sans-rire.
Bien avant Patrick Macnee, il était l'élégance et le flegme.
Même avec un Stetson sur la tête...
En un mot comme en cent, à une époque où ces mots avaient encore un sens, il était la classe à la française.